Professionnaliser les formateurs et coachs en entrepreneuriat : une urgence pour la RDC
Introduction : un métier en désordre
En République démocratique du Congo, l’entrepreneuriat est présenté comme la clé de l’avenir économique et social. Chaque semaine, des ateliers, séminaires et programmes de coaching se multiplient à Kinshasa et en provinces. Mais derrière cette effervescence, un constat inquiétant se dégage : n’importe qui peut se déclarer formateur ou coach en entrepreneuriat, sans référence à un modèle reconnu, sans certification professionnelle et sans contrôle de qualité.
Ce désordre a un impact direct sur les jeunes entrepreneurs qui se lancent avec enthousiasme mais sont souvent mal accompagnés, voire trompés par des offres inadaptées ou mensongères. La question se pose donc : qui forme les formateurs et coachs en RDC ? Et selon quels standards ?
Le cadre juridique actuel : des textes sans mise en œuvre concrète
La RDC dispose d’une ordonnance-loi n°22/030 du 8 septembre 2022 sur la promotion de l’entrepreneuriat et des startups, ainsi que du Programme National de Développement de l’Entrepreneuriat au Congo (PRONADEC). Ces textes posent des bases essentielles, en mentionnant explicitement la formation, le coaching et le mentorat comme leviers de développement.
Mais, en pratique, aucune disposition claire ne définit la qualification des formateurs et coachs, ni les critères pour certifier leur professionnalisme. Les textes existants restent surtout des principes généraux, laissant un vide opérationnel que chacun interprète à sa manière.
Entre temps, certaines institutions ont développé leurs propres modèles. Le projet TRANSFORME, l’ANADEC, ainsi que divers incubateurs privés proposent chacun leur programme de formation et leurs critères d’agrément. Bien que ces initiatives soient louables, elles créent une fragmentation inquiétante, où la qualité et la méthodologie varient d’un centre à l’autre.
Les conséquences du désordre actuel
Cette situation a plusieurs impacts négatifs :
- Prolifération des formateurs autoproclamés : Certains s’autoproclament experts sans expérience ni formation pédagogique;
- Inégalités dans la qualité : Les entrepreneurs ne bénéficient pas des mêmes standards selon le centre ou le programme choisi;
- Perte de confiance : Les jeunes entrepreneurs, mais aussi les bailleurs, commencent à douter de l’efficacité des formations;
- Risque de fraude : Certaines formations promettent financement ou accompagnement qui ne se matérialisent jamais;
- Affaiblissement de l’écosystème : La crédibilité de l’entrepreneuriat congolais est compromise, limitant le soutien institutionnel et international.
Sans cadre officiel, le métier de formateur ou coach en entrepreneuriat reste informel et non professionnalisé, alors qu’il constitue un pilier stratégique pour l’écosystème.
Pourquoi professionnaliser les formateurs et coachs ?
Former les entrepreneurs, c’est transmettre des compétences techniques, mais aussi des méthodes de réflexion, de gestion et de résilience. Si ceux qui transmettent ces connaissances ne sont pas qualifiés, les fondations mêmes de l’entrepreneuriat congolais deviennent fragiles.
La professionnalisation des formateurs et coachs permettrait de :
- Garantir la qualité des programmes de formation et d’accompagnement;
- Établir une confiance claire entre les formateurs, les bénéficiaires et les partenaires financiers;
- Créer un réseau de professionnels certifiés, aligné sur des standards nationaux et internationaux;
- Prévenir la prolifération des pratiques douteuses et des certifications non reconnues.
En somme, un formateur ou coach certifié ne se contente pas de transmettre du contenu ; il accompagne, évalue et inspire les entrepreneurs, avec des méthodes pédagogiques reconnues et des pratiques éthiques irréprochables.
Proposition d’un référentiel national pour les formateurs et coachs
Pour professionnaliser ce métier, il est urgent d’instaurer un Référentiel National de Qualification, articulé autour de trois niveaux :
1. Niveau 1 : Facilitateur en entrepreneuriat
- Compétences : animation d’ateliers, maîtrise d’un module spécifique, pédagogie de base.
- Exigences : 30 heures de formation pédagogique + validation d’au moins une session pratique.
- Certification : Certificat national de Facilitateur en entrepreneuriat.
2. Niveau 2 : Formateur confirmé
- Compétences : conception de programmes complets, évaluation des apprenants, encadrement de projets.
- Exigences : diplôme pertinent ou expérience entrepreneuriale de 3 ans minimum, 60 heures de formation pédagogique, 3 évaluations positives d’apprenants, projet supervisé.
- Certification : Formateur en entrepreneuriat (Niveau 2).
3. Niveau 3 : Coach / Mentor professionnalisé
- Compétences : accompagnement individualisé, suivi post-formation, orientation vers financement et partenariats.
- Exigences : expérience entrepreneuriale avérée (≥5 ans), formation continue en coaching, supervision professionnelle, évaluation continue.
- Certification : Coach professionnel en entrepreneuriat + inscription au registre national.
Chaque certification serait délivrée par l’État via l’ANADEC, sous supervision du Ministère de l’Entrepreneuriat et Développement des PME, et soumise à renouvellement tous les 3 ans pour assurer la mise à jour des compétences.
Le rôle clé des institutions publiques
1. Le Ministère de l’Entrepreneuriat et Développement des PME
- Publier les textes réglementaires d’application de l’ordonnance-loi 2022.
- Définir les standards nationaux et le cadre légal de certification des formateurs/coachs.
2. ANADEC (Agence Nationale de Développement de l’Entrepreneuriat au Congo)
- Piloter la mise en œuvre du référentiel national.
- Délivrer les certifications et tenir le registre national des formateurs et coachs certifiés.
- Contrôler la qualité des programmes et sanctionner les pratiques irrégulières.
3. Les incubateurs et centres de formation privés
- Aligner leurs programmes sur le modèle national.
- Former et recruter uniquement des formateurs certifiés.
- Participer à la supervision et à la formation continue.
Une démarche collective et inclusive
La professionnalisation nécessite une mobilisation collective :
- Une table ronde multipartite réunissant Ministère, ANADEC, incubateurs, universités, associations professionnelles (ex. RECOPEC), partenaires techniques et financiers.
- L’adaptation des standards internationaux (ex. cadre européen EQF, certification canadienne) aux réalités locales.
- La prise en compte des jeunes vulnérables et des zones rurales pour assurer l’inclusion.
- La mise en place de mécanismes de suivi, évaluation et revalidation périodiques.
Appel à l’action : former les formateurs pour former les entrepreneurs
L’écosystème entrepreneurial congolais ne peut prospérer que si ceux qui transmettent le savoir sont eux-mêmes compétents et certifiés.
Conclusion : un investissement pour l’avenir
Former les formateurs, c’est investir dans la fondation de l’écosystème entrepreneurial. Une certification nationale garantit non seulement la qualité des formations mais renforce également la confiance dans tout le secteur.
Il est temps que la RDC reconnaisse les formateurs et coachs professionnels comme des piliers stratégiques du développement économique. Sans eux, les jeunes entrepreneurs resteront livrés à l’improvisation et à l’incertitude. Avec eux, le pays peut construire une économie solide, inclusive et durable.
"Former les formateurs, c’est former l’avenir entrepreneurial du Congo".
Coach Gabriel Lomengo Shango
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